UDL (Usine de Lacq) à 50 ans
1960 - 1967
1960.-L’hiver 1959-1960 fut rude, sous l’action de la gelée et d’une rafale de vent, une torche s’est éreinte et le vent a rabattu le gaz brut sur les bâtiments de l’Administration où travaille une nuée d’employés. Une trentaine de personnes ont été incommodées, mais huit jours plus tard elles toutes sur pied.
Lacq montre encore une fois que cette usine est en quelque sorte habitée par la chance.
La Production marche à plein régime, mais quelles sont les réserves ?
En 1952, les premières estimations étaient de 15 milliards de m3 et suscitait déjà un énorme intérêt.
En 1957, l’Usine construite, on parlait officieusement de 150 milliards de m3, alors que les Pouvoirs publics qualifiaient de rêverie toute estimation supérieure à 100 milliards de m3.
Aujourd’hui, bien que la S.N.P.A avoue officiellement que les renseignements recueillis sur le gisement permettent d’évaluer les réserves à 200 milliards de m3 récupérables, le plan de répartition approuvé par les Pouvoirs publics ne tient compte que de réserves estimées à 120 milliards de m3 récupérables, commercialisés à partir de 1961 au rythme de 4 milliards de m3 par an et pendant 30 ans.
Ces 4 milliards de m3 équivalent à plus de 6 millions de tonnes équivalent-charbon, auxquels il convient d’ajouter 13.000 tonnes de propane et de butane, 260.000 tonnes d’essence et 1.400.000 t de soufre.
La S.N.P.A s’est fixé un plan de travail en 5 parties :
-1er tranche : 1 million de m3/jour à partir du mois d’avril 1957,
-2éme tranche : 5 millions de m3/jour à partir du mois d’avril 1959,
-3éme tranche : 10 millions de m3/jour à partir de la fin 1959,
-4éme tranche : 15 millions de m3/jour à partir d’avril 1960,
-5éme tranche : 20 millions de m3/jour à partir d’avril 1961.
Les 20 millions de m3 dont nous bénéficieront environ 300 jours ouvrables par an à partir du mois d’avril 1961 correspond effectivement à 4 milliards de m3 épurés utilisables chaque année, lesquels, étalés sur 30 ans, constituent bien une réserve estimée à 120 milliards de m3 épuré, soit 150 milliards de m3 de gaz brut.
(D’après Service-Direction, page 589, juin 1960)
Pour valoriser au mieux sa production de propane estimée à 15.000m3 en 1959, l’Usine de Lacq désirait disposer d’un stockage de propane. En décembre, deux essais d’étanchéité de la cavité de SALIES-DE-BEARN à 37km de Lacq, furent effectués. Une première cavité de 1.500m3 fut exploitée immédiatement … une deuxième cavité de 1.500m3 sera additionnée à la 1ére en 1963. Le propane arrive de Lacq dans une conduite de 4 pouces.
1961 – C’est semble-t il une année charnière pour Lacq car l’Usine tourne à plein rendement à 20 millions de m3 / jour. Regardons un peu en arrière :
Les étapes de la mise en valeur du gisement de gaz de Lacq |
Années |
Forages |
Puits |
Usine de Lacq |
1952/1953 |
7.804 |
Les nouveaux forages confirment l’existence d’un gisement important |
|
1954/1955 |
17.147 |
Mise au point d’un ‘tubing’ en acier spécial résistant à la corrosion. |
|
1956 |
8.217 |
3 |
Début des travaux de construction en février 1956 |
1957 |
15.882 |
3 |
Démarrage avril 1957 + 1 million de m3 / jour |
1958 |
42.554 |
7 |
+ 2 millions de m3 / jour |
1959 |
53278 |
13 |
+ 7 millions de m3 / jour |
1960 |
3.388 |
7 |
+ 5 millions de m3 / jour |
1961 |
|
|
+ 5 millions de m3 / jour |
|
148.270 mètres forés |
33 puits équipés |
20 millions de m3 / jour |
La S.N.P.A et ses effectifs : répartition du personnel au 31/12/1961.
Lieux géographiques |
Effectif total |
Ingénieurs et cadres |
Paris |
226 |
90 |
Pau |
|
|
Les Allées |
719 |
152 |
CRP |
246 |
40 |
Centre de Billère |
279 |
7 |
Lacq |
|
|
UDL |
1.190 |
63 |
CRL |
162 |
37 |
Lacq Exploitation |
327 |
8 |
Bayonne |
24 |
1 |
Lussagnet |
20 |
1 |
Divers en Aquitaine |
|
|
Stations Service |
28 |
|
Chantiers de forage |
125 |
|
France Nord |
3 |
1 |
France Sud |
39 |
1 |
Afrique |
109 |
20 |
Espagne |
19 |
11 |
|
|
|
Total |
3.516 |
422 |
L’Usine fonctionnant maintenant en régime de croisière, une stabilisation des effectifs apparaît dès 1960.
Ce régime élevé et les paliers pour y arriver n’ont pas été sans créer de la pollution. Par temps couvert, les émanations de gaz refluent et brûlent les récoltes. Une association de défense s’émeut des maux de tête, du déclin des arbres fruitiers ou des parterres de trèfle. ( Eric Fottorino : Les lois actuelles sur la protection de l’environnement et les lois SEVESO auraient empéchées l’essor de Lacq …)
La S.N.P.A crée in situ un laboratoire antipollution qui amènera des process qui élimineront la quasi-totalité des rejets dans l’atmosphère. Les paysans aux récoltes endommagées étaient indemnisés et l’un d’eux de s’écrier : « Qui vous a autorisé à supprimer la pollution ? Moi je l’aime ! » car, lorsque les nuisances auront disparues, les dédommagements auront disparus !
A Mourenx, lors d’une réunion d’habitants, certains se plaignent que les chromes de leur voiture se ternissent. D’autres répondent qu’au lieu de penser à la S.N.P.A, il vaudrait mieux s’adresser aux constructeurs de voitures et que de toute façon, les voitures étaient mieux sur un parking de Mourenx qu’à côté de la grange d’Abidos ou de Maslacq, où elles avait à subir l’insulte des vaches ou des pigeons !
« M. Blanchard Président directeur général de la S.N.P.A déclare : Il est inutile de rappeler la controverse instaurée autour de cette pollution que la S.N.P.A prétend nulle et que les habitants des villages environnants affirment dévastatrice. M. Blanchard voulant y mettre un point final a proposé au premier ministre M. Michel Debré, en visite à Lacq, la création d’un laboratoire directement rattaché à la préfecture des Basses-Pyrénées et qui serait l’arbitre admis par les deux partis, chacun s’engageant à accepter ses conclusions. Sdi les pouvoirs publics ne peuvent engager cette dépense, la S.N.P.A est disposée à en assurer le financement. » (Sud-Ouest du 02/09/1960).
1963.- En association avec l’U.G.P (7,5%)., la S.N.P.A. fonde à Paris la S.O.C.A.P. Cette société sera spécialisée dans la distribution de produits pétroliers et de lubrifiants sous la marque « Lacq » et « Super-Lacq ». (B.R.P 734, 7 août 1963).
Les travaux de construction de la grande jetée à l’embouchure de l’Adour, débutés en 1962 sont achevés permettra à nos bateaux de mieux accéder au port de Bayonne et à notre terminal soufre.
1964.- C’est l’éruption du puits LA 128 le 20 janvier lors d’une intervention. Par vanne spéciale coiffant le tubing, l’éruption a cessé le 22 janvier à 17h45. Opération facilitée par des circonstances atmosphériques favorables et par une organisation remarquable du Service Départemental de la Protection Civile. 5Annalres des Mines- Juin 1964, p55, 60)
Mise en service d’un tanker de 146,20m de long, le « Président André Blanchard » pour le transport de 5.671m3 de soufre liquide à 130°C.
La Défense avance. Après plusieurs études, 1929, 1931, 1950, 1956, le nouveau plan mis au point en 1960 par Auzelle, Herbé, Camelot et Zehrfuss est approuvé en décembre. Par contre la Tour Zehrfuss de 60 étages, devant dresser ses 250 mètres face au CNIT a disparu des plans en 1969, seules, les tours de moyenne hauteur vont être construites : Tour Nobel ( 1965), Aquitaine ( 1966), Aurore ( 1969), …
Dans le sud-ouest, découverte du champ de Meillon, Saint-Faust, Pont d’As qui contient du gaz sulfureux et donc qui sera traité à Lacq en 1968. ( Le gisement situé à 6 km de Pau s’allonge sur 22 km, mais seulement 2 km de largeur et 4.950 mètres de profondeur.).
1966.- C’est l’année du choix entre Statut du Mineur Régime minier ou Régime général de la Sécurité sociale.
L’E.R.A.P. crée le 6 juillet, une société qui est son maître d’œuvre délégué en matière d’exploration - production et qui regroupe tout le personnel de l’exploration - production de l’E.R.A.P, la S.O.F.R.E.P ( Société Française de Recherches et d’Activités Pétrolières).
C’est aussi la naissance, le 22 juin, de l’U.G.D, Union Générale de Distribution des Produits Pétroliers qui regroupe toutes les filiales de distribution de l’U.G.P.
Et qui le sait, depuis 1964, la société envoie de l’Usine de Lacq, jusque chez clients européens, sous la forme liquide, une partie des 1.500.000 t de soufre qu’elle produit par an. Cette distribution nécessite la mise en place, sur terre (pas en mer), de station de distributions équipées pour maintenir le produit à 140°C et, l’une d’elle se situe dans le port pétrolier de Rotterdam. A partir de ce terminal, l’approvisionnement de nombre de nos clients étant possible par desserte fluviale, la société s’équipe d’un automoteur construit et lancé par les Chantiers Ateliers ‘ de Biesbosch’ à Dordrecht. L’exclusivité de transport de cet automoteur baptisé « LACQ » est réservé à la S.N.P.A. Long de 85,90m, large de 11,13m avec un tirant d’eau de 2,80m, il peut transporter 1.960t de soufre liquide
La société s’offre la Tour Aquitaine.
1967.- Le 28 avril, lancement secret, en une nuit, de la marque ELF ( opération « Les Ronds Rouges arrivent » ) sous laquelle l’U.G.D distribuera désormais les produits de l’U.G.P. L’U.G.P prend le nom d’ELF-Union, l’U.G.D. celui d’Elf - Distribution et, le 28 décembre, la S.O.F.R.E.P. devient ELF RE ( ELF pour la Recherche et l’Exploration des Hydrocarbures.).
La marque ELF affiche son emblème, le trépan bleu et rouge. Pour le public, tout s’est joué dans la nuit du 27 au 28 avril et c’est dans le plus grand secret qu’un de mes collègues de Lacq a participé à cette action. « Je vais travailler toute la nuit, d’autres aussi à travers toutes la France, et demain matin quand vous prendrez vos postes de travail à Lacq, regardez bien la Station service à l’entrée du site ». En effet, un magnifique rond rouge ornait son mur de façade tandis que les divers panneaux, panonceaux, drapeaux et banderoles faisaient découvrir aux gens du bassin de Lacq, les 3 lettres composant le mot emblématique ELF.
ELF, Quèsaco ? Le choix de ce vocable, qui ne veut rien dire intrinséquement, a fait l’objet de recherches approfondies. Les 8.253.000 vocables possibles avec 3, 4, 5 lettres ont été générés puis triés par ordinateur et la centaine retenue fut examinée par des phonéticiens, des psychotechniciens, des artistes, etc, qui ont finalement porter sur les fonds baptismaux le nom : ELF.
Et, dans la foulée, Elf prend le contrôle d’ANTAR, dont les racines plongent dans le gisement de Pechelbronn, découvert en 1498, mis en production sous Louis XV, et épuisé en 1964).
Bien d’autres aventures ont été vécues depuis cette date, d’autres restent à vivre, mais le narrateur à besoin d’une pause …
A suivre …

Sources :
-Bulletin d’Information de DOC-Paris n° 7,8 et 9.
-Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine_Lacq_Bulletin Technique de janvier 1959 à …..
-Service-Direction, page 589, juin 1960.
-TOTALFINAELF Une Major Française par François Roche 2ditions Le Cherche Midi.
-La Grande Aventure de Lacq de Jean Lartéguy
.-Le miracle du Gaz béarnais d’Eric Fottorino.
-Un quart de siècle d’aventure pétrolière S.N.P.A (1942-1969) de Pierre Bournaud