Menu Editos JCB

Canard enchainé

 

 

Fedem

« La mauvaise nouvelle : FEDEM est le roi des salauds. Un type connu pour son absence de scrupules au Palis Brogniard même, où l’on n’en a guère. On l’y appelle le liquidateur ou le prédateur, c’est selon. Son business, c’est de foncer sur une entreprise qui a l’air en bon état mais dont il a détecté les points faibles, d’en racheter des paquets d’actions en sous-main, puis d’en liquider les débris en empochant un copieux bénéfice ; il s’agit d’assassiner de sang froid des établissements en pleine santé. Et en mettant sur le carreau des milliers d’employés dont il se fiche comme de son chauffeur ( Il est dressé pour l’extérieur : si vous le mettez au chaud, il va prendre de mauvaises habitudes !).
C’est le portrait sans faille du libéralisme triomphant et dévastateur des ravages de la mondialisation.
FEDEM s’extrait de sa limousine, s’engouffre fébrile dans son escalator personnel et arrive rassuré dans son bureau sécurisé, tout acier et béton avec des décorations amovibles, dans les teintes sobres et des lumières néons. Ni toasts, ni champagne : il n’aime que les « pets de nonne », des beignets bien gras, et n’oublie jamais de récupérer la monnaie quand il envoie en chercher. Aucune formule de politesse, seuls les chiffres l’intéressent. Ceux que lui fournit son ordinateur, qu’il a baptisé Carmen, la seule femme de ses pensées.
En face de lui, le trio dirigeant de la boîte :
- CHOSE, patron à l’ancienne. Pour lui comptent encore des valeurs idiotes comme la parole donnée ou le sort de ses collaborateurs. Il aime dialoguer avec les syndicalistes qui amènent des idées pour le progrès de l’entreprise et le bien de son personnel.
- MACHINE, sa précieuse collaboratrice, prête à tout pour lui et l’entreprise. Fougueuse, c’est une bête fauve, avec un joli mordant de tigresse roboratif, distribuant, gratuitement ou sur ordre, à chacun des coups de crocs. Son insolence ravit FEDEM en même temps qu’elle le fait enrager.
- TRUC, directeur général, qui s’est révélé prêt à tout pour lui-même. Jeune et vieux routier à la fois, il a servi plusieurs patrons avec la même fougue, critiquant l’ancien, adulant le nouveau et vice-versa. Ayant fait son purgatoire en alimentant l’appareil de projection avec les « slides » que commentent le boss lors d’un de ses exposés « high tech », c’est devenu le spécialiste du cash-flow, des équipements à jeter à la casse, de l’immobilier, des activités annexes, plus le fonds de roulement divisé par le nombre d’actions sur le marché : tout cela ne vaut que du sang, de la sueur et des larmes. C’est dire un paquet de « pet de nonne ».FEDEM est inquiet, sa politique de rachat massif d’actions de sa propre boîte pour en consolider le cours afin de lui garantir un phénoménal revenu via ses stock-options, commence à énerver Brogniard et le Gouvernement ! Mais, rassurez-vous, le bon sens du Conseil d’administration l’emportera. Avec la loi du marché : celle du plus fort, du plus fourbe, du plus gros dégueulasse ( ce qu’on lit dans les journaux tous les jours), elle balaiera tout, l’entreprise et l’humain !

La bonne nouvelle, c’est d’entendre cela sur les planches d’un théâtre ! Il s’agit en effet du thème de la pièce de Jerry Sterner (jouée actuellement à Nice). »
OUF !
( Edito largement inspiré de l’article de Bernard Thomas      « Canard enchaîné » du 13/10/04)