USINE DE LACQ.
Le 1er avril 2007 marquera un demi-siècle d'exploitation du gaz à Lacq.
Que de souvenirs !
Bientôt 50 ans
Un Béarn Jean-Claude Brégail, 64 ans, de
Mourenx, ne prétend pas être un pionnier : il n'est entré à
l'usine de Lacq qu'en 1965. « Tout au bas de l'échelle, comme
cartographe », souligne-t-il. Une drôle d'échelle puisque des
lapins étaient son principal instrument de mesure !
Il s'agissait,
pour le nouveau service météo créé par la SNPA, ancêtre d'Elf
Aquitaine, d'observer les effets des émanations sulfurées de
l'usine sur la faune.
« En fait, les lapins ont terminé dans
les casseroles des équipes de nuit ».
Pas un pionnier, non, mais
Jean-Claude Brégail en a -t-il vécu et tant entendu par les
anciens, de ces anecdotes dont il parsème les éditos qu'il
signe dans « Les Cahiers du Sictame », l'organe syndical de
l'UNSA !
Responsable syndical (CGC), « cadré » _ c'est-à-dire
nommé cadre dans le jargon maison _ après être « revenu à
l'école » à 40 ans, le retraité est passé par la chimie puis a
poursuivi sa carrière dans la statistique et l'informatique.
Il s'occupe aujourd'hui du Centre d'information et d'action
pour personnes âgées. Bref, comme tant d'autres, son destin a
épousé celui de l'exploitation du gisement et de l'usine de
Lacq, dont on fêtera le 1er avril prochain la mise en
service.
Test
d'embauche. La visite d'embauche lui est restée en mémoire : « On vous
enfermait dans une sorte de blockhaus avec une blouse et un
masque à gaz, un type lançait deux cartouches de lacrymogène
et refermait la porte, pour vous observer par un judas. Si le
masque n'était pas trop -''fuyard'', bien ajusté, ça allait ».
Le masque : l'ustensile qui ne vous quittait jamais où que
vous alliez dans l'usine.
Le minot qu'il était a cru débarquer au
Texas : « L'usine n'était pas entièrement terminée. On voyait
une goudronneuse terminer la route et 50 mètres plus loin un
bulldozer qui griffait déjà le bitume pour faire passer une
tranchée ».
Quelle ambiance, à la Sainte-Barbe ! C'était la grande
fiesta de l'année, au parc du château de Maslacq : « Les
ouvriers s'y regroupaient par régions, proposaient leurs plats
et leurs meilleurs pinards. Il fallait avoir le foie solide.
»
L'essor de l'avion a eu l'heureux effet de démocratiser
les transports : « Avec le train, l'ouvrier voyageait en
seconde classe, le contremaître en couchette et l'ingénieur en
wagon-lit ». De même, observe Jean-Claude Brégail, l'urbanisme
mourenxois garde témoignage de l'étagement hiérarchique : aux
cadres supérieurs de l'usine de Lacq (autrefois aussi ceux de
Péchiney) les hauteurs des coteaux?
Luttes sociales, certes : « On
peut remercier les anciens de toutes les avancées qu'ils ont
obtenues : de bons salaires, des centres de vacances, etc. Les
syndicats étaient très forts, c'était lié à la production : au
début des années 60, faire grève à Lacq, ça voulait dire
fermer le robinet du gaz pour toute la France ».
Mais les
salariés de l'usine avaient beau venir de partout, jamais
Jean-Claude Brégail n'a été témoin de conflits en relation
quelconque avec l'origine des uns ou des autres.
Surtout, le peu
de pépins graves déplorés depuis 1957 le rend admiratif : « On
a eu beaucoup de chance, c'est sûr. Mais avec beaucoup de
sérieux, et une sécurité au top. ».
J
:: En savoir plus
LACQ EN QUELQUES
DATES
.......
Fin 1949.
Le forage de Lacq 1 atteint une couche de pétrole à -640
m. La production démarre (20 tonnes/jour).
19
décembre 1951. Par moins 3 550 m (forage Lacq 3) jaillit
un fulgurant jet de gaz naturel, et avec lui un gaz
toxique : l'hydrogène sulfurée.
C'est la découverte du
gisement de Lacq, mais l'éruption fait rage.
24
février 1952. Un bouchon de ciment colmate enfin le
puits. En partant, victorieux, le « super pompier »
américain Myron Kinley, auquel a fait appel la SNPA,
lâche : « Refermez tout, remettez de l'herbe à vache ! »
À l'époque, les vaches de Lacq ont encore les cornes en
lyre (race béarnaise)?
1955. Des tubes en acier
spécial sortent des acieries de Pompey. Le casse-tête de
la corrosion fragilisante du gaz de Lacq (il contient 16
% d'hydrogène sulfuré et 10 % de dioxyde de carbon ;
sourd à haute température et par très forte pression)
n'en est plus un.
1956. Le château de Maslacq sert de
dortoirs aux ouvriers célibataires, puis de cantine (de
centre de formation à partir de 1959).
Avril
1957. L'usine de Lacq entre en exploitation (1 million
de m³ de gaz brut/jour). La ville nouvelle de Mourenx
sort de terre. Le réseau de transport du gaz se
développe (Lacq-Pau) et se connecte à l'existant
(stockage de Lussagnet en service en 1959).
Fin 1958.
La production atteint 5 millions de m³/jour (20 millions
début 1961). Elle atteindra son apogée en 1982 (33 m de
m³).
17 février 1959. Contemplant Mourenx du haut du
Belvédère, le général de Gaulle déclare : « Ça manque de
boutiques? ».
26 mars 1960. Lacq reçoit la visite
de Nikita Khrouchtchev, président du Conseil des
ministres de l'Union des républiques socialistes
soviétiques.
8 avril 1961. Première pollution
importante ; elle endommage des récoltes. La SNPA se
dotera d'un service météo et de labos d'analyses
spécialisées.
1963. L'usine connaît une grève de
trois semaines. Au centre du conflit, le statut du
mineur
1965. Découverte à Meillon (par moins 5 000 m)
d'un gisement de gaz moins sulfuré
28 avril
1967. Les ronds rouges de la marque Elf apparaissent
dans le paysage.